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Le Mag
21 mars 2013

Ayrault doit montrer qu'il est un collaborateur utile du président ?

Quels sont les enjeux de la réponse, ce mercredi 20 mars à l'Assemblée nationale, de Jean-Marc Ayrault à la motion de censure de l'UMP ?

- Pour Jean-Marc Ayrault l'enjeu est d'affirmer son autorité dePremier ministre et de chef de la majorité parlementaire face à l'opposition. C'est un enjeu politique simple, clair et classique. L'objectif est de montrer qu'il est un collaborateur utile du président de la République dans la mesure où il permet au chef de l'Etat d'avoir l'appui de la majorité parlementaire et de la machine gouvernementale.

Une autorité qui lui manque aujourd'hui ?

- Il ne peut pas avoir cette autorité sous la Ve République, lorsqu'il y a concordance des majorités présidentielle et parlementaire. Une situation politique qu'il faut distinguer des périodes de cohabitation (86-88, 93-95 e 97-2002) pendant lesquelles le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation, et non le président. Jacques Chirac a ainsi privatisé en 1986, rétabli le scrutin majoritaire à deux tours, supprimé le contrôle administratif des licenciements et François Mitterrand n'a pas pu s'y opposer. Idem, en 1997 : Lionel Jospin a imposé les 35-heures et le Pacs et Jacques Chirac n'a pas pu s'y opposer. Dans ces périodes là, le Premier ministre a l'autorité politique.

En revanche quand le président de la République et l'Assemblée nationale sont de la même couleur, le Premier ministre ne peut être qu'un "collaborateur" selon l'expression de Nicolas Sarkozy. Mais collaborateur est un beau mot de la langue française, ce n'est pas péjoratif ! Il vient du latin et signifie "travailler avec". C'est-à-dire celui qui l'appuie, le conseille, participe à la décision. Collaborateur ça ne veut pas dire valet, esclave ou soumission. Si le président n'a pas de collaborateur, il est tout nu. Qui fait tourner la machine gouvernementale ? C'est le Premier ministre. Qui fait passer la politique du président auprès des parlementaires ? C'est le Premier ministre. Qui transforme en projet de loi et en décret les promesses électorales ? Toujours le Premier ministre.

Jean-Marc Ayrault n'a donc pas d'autre choix que d'être "un collaborateur" ?

- Lorsque Pompidou a voulu dépasser ce rôle, il a été remercié par le Général de Gaule en 1968. Quand Jacques Chaban-Delmas a voulu mener une politique différente de celle du président de la République, il a été remercié par Georges Pompidou en 1972. A l'inverse, quand le Premier ministre n'est pas capable d'aider, d'appuyer, de conseiller le chef de l'Etat, il est aussi remercié. Exemple : Edith Cresson en 1992.

Le Premier ministre ne doit pas prendre la place du président la République mais ne doit pas non plus être dans une situation de trop grande faiblesse, dans la mesure où il n'apporterait rien au président. Le chef du gouvernement doit trouver un juste équilibre entre les deux. C'est toute la difficulté de Jean-Marc Ayrault. Il a fallu du temps à Pierre Mauroy, à Laurent Fabius, à François Fillon.

Sa côte de popularité est au plus bas, comme celle du président de la République...

- Logique, puisqu'ils travaillent ensemble. A partir du moment où ils co-décident et sont co-responsables, l'opinion ne distingue plus entre le président et le Premier ministre. Le pacte de compétitivité, les contrats génération, c'est à la fois une politique voulue, décidée et mise en œuvre et par le président de la République et par le Premier ministre.

De quel Premier ministre, Jean-Marc Ayrault pourrait-il s'inspirer ?

- Je sais à qui il ne peut pas être comparé : Edith Cresson, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin, Laurent Fabius… Il n'entre pas dans ce modèle. Son problème, c'est qu'il doit inventer son propre modèle de Premier ministre. Il pourrait s'inspirer de François Fillon, qui a réussi, dans le cadre d'une hyperprésidence, à maintenir une autonomie, une musique propre. Mais une différence près : il y a entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault un accord politique, voire personnel, qui n'existait pas entre Fillon et Sarkozy, qui n'appartenaient pas exactement au même courant politique. Ayrault et Hollande partagent la même conception sociale-démocrate, la notion de compromis, la réforme de la France dans le dialogue… On a un exécutif totalement complémentaire, Ayrault n'est pas le clone de Hollande, il a une expérience propre, il a transformé sa ville par exemple. Leur même vision est un atout pour leur couple.

L'équilibre dont vous parlez est très délicat à trouver. Ne faudrait-il pas revoir la fonction de Premier ministre ? 

- En France le couple président-Premier ministre est toujours dangereux, à la différence des autres pays européens puisqu'il n'y a pas de couple. C'est le Premier ministre qui dirige en Allemagne, en Espagne… Ce problème n'existe qu'en France. La question qui est posée depuis le début c'est de savoir si, avec le quinquennat, il ne conviendrait pas de supprimer ce poste. A mon avis, non, encore une fois parce qu'il détient tous les moyens pour mettre en œuvre la politique présidentielle. Quelle que soit la manière de tourner les choses, il faudra toujours quelqu'un pour le faire.

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